Description
Découvrez l’histoire tragique des enfants des rues du Sénégal, abandonnés, livrés à des marabouts qui, depuis longtemps, les exploitent au nom de la religion. Là où les traditions locales entrent en conflit avec les droits universels de l’enfant, ces enfants sont livrés à eux-mêmes au cœur d’une lutte pour récupérer la dignité humaine qui leur revient de droit.
Conception et réalisation:
GYAN France en association avec
Global Education Management
60 pages
15.2 cm x 22.9 cm
Extraits
Les enfants des rues et le développement endogène
- Ousmane Ndiaye
Si le continent africain est aujourd'hui en retard, c'est parce que, entre autres, il y a des pesanteurs endogènes propres à celui-ci. Parmi ces pesanteurs figure (en tout cas pour ce qui est du Sénégal) la situation dramatique, désastreuse, inquiétante et choquante des enfants des rues.
Qui sont ces enfants ? Qu'en est-il réellement de ceux-ci ?
Les « pots rouges » des talibés sont devenus le véritable emblème de ces enfants.
Ces enfants plus connus sous le nom de « talibés » selon le langage sénégalais sont envoyés de gré ou de force dès leur plus jeune âge par leurs familles chez un « marabout » sous différents prétextes.
Pour les familles qui, soulignons-le, pour x-raisons souvent matérielles et financières, fuient devant leurs responsabilités parentales, un tel geste (envoi de l'enfant chez le marabout) se justifie par un attachement à la tradition et à la culture religieuse. Dans cette culture, l'apprentissage du coran est souvent lié à une initiation pratique à la vie communautaire, à l'acquisition du sens de l'humilité, d'un certain ascétisme, et d'une endurance à toute épreuve. Du chauffeur de taxi à l'étudiant, beaucoup de Dakarois considèrent cette phase comme nécessaire à la formation d'un individu.
Les « marabouts » prétendent initier les enfants à la culture musulmane en leur apprenant le coran et à la vie en société. Leur enseignement est axé sur deux valeurs principales, à savoir l'humilité et endurance.
Mais, en réalité, ces enfants évoluent dans des conditions indescriptibles. Ils sont morveux, puants et passent plus de temps dans la rue à mendier pieds nus sous un soleil de plomb qu'à étudier le coran. Envoyés par leurs « faux » marabouts, ils tendent la main aux habitants des villes et aux touristes, devant les restaurants et hôtels de la ville, du matin au soir. Ces enfants sont ouverts à tous les risques sanitaires au vue des conditions d'hygiène déplorables dans lesquelles ils vivent.
Aujourd'hui, le constat est flagrant : ces enfants sont loin de recevoir une éducation viable, leur état de santé est très précaire. Le fait que la malaria fait des ravages chaque année au sein des communautés de « talibés » au Sénégal en est une illustration parfaite.
L'enseignement de la discipline et du stoïcisme se transforme aujourd'hui en mauvais traitements souvent subis par ces jeunes élèves. Un article d'avril 2003 a révélé qu'un enfant de huit ans a été maltraité par son maître dans une école coranique de Saint Louis. Le cas « pose une nouvelle fois la question des conditions de vie des talibés et des mauvais traitements qu'ils subissent ». Pour chaque cas médiatisé, combien d'autres élèves sont maltraités, exploités et abusés par leurs maîtres ? Le phénomène des talibés
« Si, à l'origine, les enfants mendiaient pour apprendre l'ascétisme et l'humilité, valeurs fondamentales dans la religion musulmane, ils le font aujourd'hui parfois pour le compte d'un marabout, créant ce qui est couramment appelé le marché de l'aumône ». Les visiteurs et habitants des grandes villes d'Afrique de l'Ouest sont sans cesse sollicités par ces enfants sans ressources. Le Sénégal n'a pas de loi, ni évidemment de financement pour protéger ces petits talibés.
Les autorités semblent encore fermer les yeux là-dessus. Les talibés rassemblent la plus grande partie des enfants des rues. En 1977, un recensement effectué par le secrétariat à la promotion humaine indiquait le chiffre de 6,300 talibés mendiants âgés de 6 à 14 ans pour la ville de Dakar. Le gouvernement de Dakar estime que ce nombre de mendiants a augmenté de manière exponentielle pour atteindre 90.000 rien qu'à Dakar, soit 6 % de la population totale. D'après une évaluation réalisée en collaboration avec l'Unicef en 1991, Dakar compte à elle seule 100.000 talibés concernés par la mendicité.
Ces enfants sont des garçons âgés de trois ans à quatorze ans, venant principalement des régions les plus pauvres du Sénégal, ainsi que des pays frontaliers comme le Mali, la Guinée ou la Gambie : Les talibés non migrants à Dakar ne représentent que 3,11 % des talibés dakarois.
Logements
Les talibés peuvent être considérés comme des SDF tellement leurs conditions d'hébergement sont précaires. « Le Daara, c'est une maison inachevée », a indiqué un talibé. « On dort sur des nattes, les uns collés aux autres ». Certains vivent dans des baraques de fortune, d'autres dorment sur terre à la belle étoile dans la cour de la maison ou ailleurs. Mais, même au Sénégal, les nuits d'hiver sont relativement froides. Enfin, il y a ceux qui dorment dans des abris provisoires : Garages, locaux de construction, rues. Tous ces logis sont caractérisés par un manque d'eau, d'électricité et de sanitaires. Ils vivent dans des endroits infectés de poux, de punaises, de cafards et de rats.
L'extérieure d'une chambre au village de Yoff.
Their living quarters lack access to water and sanitation. When enough solid waste has accumulated, they gather it together in a great pile to be burned. Until then, it attracts bugs, roaches, and rats. As a result, these children are susceptible to a wide variety of risks associated with these deplorable living conditions: illness, pests, lice, and malaria are not uncommon.
Santé
Les conditions de vie, de sommeil, d'hygiène et de nourriture font que les talibés sont immanquablement victimes des différentes épidémies telles que la gale, le paludisme, le choléra, et ne profitent presque jamais des différentes campagnes de vaccination.
En général, du fait de leur difficile accès a l'eau, ils se lavent tous les quinze jours. Certains restent plus d'un mois sans se laver surtout en période de froid. S'ajoute à cela que les diverses blessures qu'ils encourent s'infectent bien souvent par manque d'hygiène.
Leurs vêtements sommaires et en mauvais états sont à peine lavés. La plupart les lavent eux-mêmes sans utiliser de savon. Les talibés portent rarement des chaussures, ou n'en ont pas du tout. Ce sont des enfants aux pieds nus. Peut-être pour des raisons de rentabilité, les talibés sont tenus en permanence dans un état malpropre et encrassé. Plus l'aspect extérieur est misérable, plus on fait pitié, plus on gagne « au change ». En allant de maison en maison à la quête de nourriture, les talibés recueillent les restes de repas de toutes sortes dans leur « pot rouge » (principalement un pot de tomates vide). Cela constitue ce qu'on appelle « le mélange repoussant » et contribue à rendre précaire la santé du talibé.
Leurs Journées
L'activité principale des talibés est de mendier, et ils y consacrent en moyenne 10 heures par jour. Leur mendicité dans les rues est la cause principale de leur analphabétisme et de leur manque d'éducation en général. Selon une enquête du Fonds des Nations unies pour l'enfance (UNICEF) et de la Direction de l'action sociale (DAS) en 1999, les talibés ne consacrent que 30 pour cent de leur temps utile à la mémorisation des 604 pages du Coran.
Les enfants qui ne rapportent pas en fin de journée la somme fixée par le marabout (en général 250 - 300 CFA), et ceux qui font preuve d'indiscipline, sont soumis à de mauvais traitements corporels. La plupart des ex-talibés portent sur leurs corps les cicatrices qui sont les marques des durs châtiments subis pendant leur séjour.
La journée typique d'un enfant comprend l'apprentissage du Coran entre 5h00 et 8h00, la mendicité dans les rues entre 8h00 et 14h00, alors qu'ils cherchent également leurs petits-déjeuners et repas. De 14h00 à 16h00, ils apprennent le Coran, et de 16h00 jusqu'au coucher du soleil, ils retournent mendier. L'Etat n'ayant pas une politique concrète par rapport à ce phénomène, ou tout simplement faisant très peu d'actions pour ces enfants, les Sénégalais comme les étrangers participent à l'effort social en s'occupant de ces talibés un tant soit peu. Certains passants leur donnent une pièce de 10 ou 25 CFA. Quand il s'agit des talibés qui sont souvent en groupe, donner 100 CFA à l'un en lui faisant comprendre qu'il devra partager avec ses compagnons d'infortune est une solution anti-bagarre.
Conclusion: Comment agir auprès des talibés ?
- Aurélie Frex
Alors comment agir lorsque la pratique de mendicité se fait au détriment de l'éducation des enfants ? Comment améliorer le quotidien des talibés, leur promettre un meilleur avenir, sans pour autant bouleverser une pratique traditionnelle ? Comment lutter également contre une pratique assez récente et en plein développement : Le recrutement de jeunes talibés dans la brousse et à l'étranger, dans le simple but de récolter un peu plus d'argent dans la rue ?
Donnant son avis sur ce sujet, Amadou Makhtar Mbow, ancien directeur général de l'UNESCO, avait déclaré que le phénomène des talibés pouvait trouver une solution si les autorités acceptent d'assumer leurs responsabilités pour faire reculer le mur de l'indifférence. Il trouve que l'exploitation des talibés est simplement « scandaleuse ».
En 1977, le gouvernement sénégalais avait évoqué l'idée de doter l'école coranique d'un statut juridique proche de celui de l'enseignement privé pour favoriser le contrôle des talibés et améliorer leurs conditions d'enseignement. « Il y a eu des actions visant à aider les écoles coraniques et les pousser à abandonner la mendicité, par la création de fonds d'aide et de subventions. Cependant, pour éviter que ces aides ne soient utilisées par les marabouts pour leurs besoins personnels, les pouvoirs publics ont préféré renoncer à cette solution ».
Si certains étudiants de l'université de Dakar déclarent avoir été talibés pendant quelques années, ceux-ci restent des exceptions. Il faut agir pour que tous ces enfants puissent avoir la possibilité d'atteindre un bon niveau d'éducation. En ce sens, il convient de renforcer l'action locale, qui permet d'améliorer la situation tout en respectant les traditions du pays. |